La miellerie
Aujourd’hui, je
m’occupe d’une structure d’environ 150 ruches réparties sur une
dizaine de ruchers disséminés autour d’Issac., à 20 km au nord de
Bergerac. L’environnement, principalement constitué de bois, forêts,
prairies, est propice à la récolte de miels indemnes de traces de
pesticides. (miel de forêt, châtaignier, acacia, tilleul, printemps). La récolte du miel est faite cadre par cadre, sans utiliser de répulsifs ou de souffleur. Le renouvellement des reines se fait dans la plupart du temps naturellement.
Je n'utilise pas de produit pour conserver les cires. Dans le même esprit, je m'interdis le remplacement des vieux cadres par de la cire gaufrée: les alvéoles des mâles et des ouvrières étant de sections différentes, il me parait logique de laisser les abeilles bâtir elles mêmes. En outre, leur laisser cette liberté, offre un autre avantage indéniable, celui de préserver chez elles une fonction vitale, celle de bâtisseuse. Leur proposer un cadre déjà bâti, c'est sous-traiter un peu de leur travail. Leur imposer notre propre mode de production, (qui est ô combien scabreux), c'est un peu gonflé, non ?
Après les dernières
récoltes, Je traite le varroa au thymol, complété ensuite par un
traitement à l’acide oxalique hors couvain (généralement autour de
Noël). Les loques sont éliminées par la méthode du transvasement, avec
suppression systématique des cadres concernés. Toutes ces
pratiques me permettent de bénéficier du label bio certifié par
Ecocert. En complément des miels, je récolte propolis, pollen ; et fabrique nougat noir et pain d’épices.
Ma
production est écoulée en privilégiant la vente en circuit court.
(Principalement sur le marché de Bergerac, quelques foires, salons bios
et plusieurs magasins de proximité).
Pyraine
Les aléas climatiques :
une difficulté supplémentaire pour l'apiculture...
Reportage France 3 [18 août 2016]
Interview d'Hervé Poirier
Hervé, peux-tu nous parler de ton métier ?
C’est
un métier merveilleux, presque une philosophie, qui représente selon
moi, un engagement fort dans le respect de l’environnement. Contribuer
modestement à la préservation de la biodiversité tout en exerçant une
activité des plus ludiques, c’est top !
J’ai 150 ruches, nombre maximum pour moi, au delà, je crains qu’il n’y ait plus trop de place pour le plaisir .
La
difficulté majeure en bio est de trouver un environnement sain composé
majoritairement de bois, forêts, prairies, haies, et d’éliminer les
grandes cultures conventionnelles (principalement tournesol et colza).
L’objectif étant de présenter aux colonies des espaces suffisamment
riches pour leur offrir les protéines fournies par le pollen, et les
glucides par le nectar, ou le miellat des arbres.
Et
puis, il y a l’abeille ! je suis fou de cette bestiole, je l’aime
passionnément jusqu’à son odeur ! Cent millions d’années
qu’inlassablement, elle pollinise notre espace. Cent millions d’années
pour planter un décor que l’on s’obstine à détruire. Ce serait presque
comique, si ce n’était absolument dramatique.
Le miel bio est il un produit différent ?
Eternel
débat. Si on considère que l’usage des pesticides ou toute autre forme
de pollution peut avoir un impact sur la qualité du miel, alors oui… il
y a une différence !
Sur
les marchés, parmi les sceptiques, j’entends souvent deux types de
discours ; le premier : « le miel est toujours
bio », et pour le second, « il ne l’est jamais ». La
vérité se situant entre les deux.
Aux
premiers, je fais comprendre que les miels conventionnels sont dans le
meilleur des cas porteurs à coups sûrs de traces de pesticides, dans la
mesure où ils sont composés de nectar provenant de fleurs de grandes
cultures ; et dans le pire, notamment les miels importés,
produits à partir de mélanges provenant d’origines différentes et
parfois de rajout de sucre.
Aux
seconds, je réponds que la pratique de certains apiculteurs qui, en
plus d’importer des pesticides dans leurs colonies, utilisent
antibiotiques (pour traiter certaines pathologies), sucres raffinés
comme nourrissement, nitrobenzènes (gentiment appelé essence de
mirbane) utilisés comme répulsif lors des récoltes, naphtaline (camphre
de goudron hautement cancérigène) pour conserver les cires l’hiver,
n’est pas tout à fait la même que la mienne.
A
ce propos, il est savoureux de penser que les apiculteurs les plus
farouchement opposés aux bios, sont ceux qui se laissent aller aux
comportements les plus répréhensibles. Ben, voyons…
Peut-on garantir l’absence de pesticides ou d’OGM dans les produits de la ruche ?
Non,
malheureusement, il est difficile, voire naïf de prétendre produire
100% bio. Dans un rayon de 3 à 4 km autour de la ruche, on trouvera
toujours un potager, une petite parcelledans lesquels il y aura des
produits incriminés. Le challenge étant d’en éliminer le maximum.
Essayons d’avoir déjà un comportement irréprochable.
Le miel, la propolis, la gelée royale et le pollen, peuvent-ils être considérés comme des médicaments ?
Pour
la propolis, je crois que l’on peut parler de médicament. Ses
propriétés antibactériennes, antibiotiques, antimicrobiennes, et
anticancéreuses ne sont plus à démontrer. Le docteur Donnadieu a
passé une grosse partie de sa carrière à l’étudier et à démontrer
l’efficacité de son action sur la sphère ORL, dermatologie ,
stomatologie…
Le pollen a des propriétés antioxydantes, et est un excellent complément alimentaire riche en oligo-éléments.
Le
miel, outre ses qualités gustatives, est un cicatrisant utilisé
notamment en chirurgie. (initié par le professeur Descottes au CHU de
Limoges)
Quant
à la gelée royale, on lui prête toutes les vertus, et à juste raison.
Par exemple :2 œufs identiques pondus par la même reine, l’un
nourri exclusivement de gelée, et l’autre d’un mélange pollen et gelée
vont donner dans le premier cas une reine, et dans le second une
ouvrière, soit deux êtres excessivement différents physiologiquement et
physiquement.
La première vivant 50 fois plus longtemps que la seconde ! C’est fou, non ?
On
peut aussi parler de venin d’abeilles utilisé de plus en plus contre
certaines pathologies, notamment la sclérose en plaques. On le voit les
produits de la ruche sont de véritables trésors.
Protéger
l’abeille, sentinelle de l’environnement, est un enjeu écologique et
économique prioritaire, quels sont tes conseils pour participer
activement à sa préservation ?
Des conseils, ce serait bien si on pouvait en donner aux grosses firmes productrices de pesticides, comme Monsanto !
En
attendant, on peut chacun respecter une éthique en étant très vigilant
sur notre façon de consommer. Laisser l’endroit aussi propre que celui
que l’on a trouvé en arrivant, ne vaut pas seulement pour les toilettes
publiques !
Et
puis surtout ne cherchons pas à dompter la nature, laissons nos
pelouses pousser un peu sans les tondre tous les 4 matins. Les fleurs
que vont y trouver nos pollinisateurs restent leur principale ressource.